PRESCRIPTION DE L’ACTION EN REDUCTION : FIAT LUX
Le voile est enfin levé sur le délai de prescription de l’action en réduction. Plus exactement sur son point de départ. Fiat lux !
En effet, le texte de l’article 921 alinéa 2 ne brille pas par sa clarté.
« Le délai de prescription de l’action en réduction est fixé à cinq ans à compter de l’ouverture de la succession, ou à deux ans à compter du jour où les héritiers ont eu connaissance de l’atteinte portée à leur réserve, sans jamais pouvoir excéder dix ans à compter du décès. »
Le texte combine donc trois délais (5 ans, 2 ans et 10 ans) et deux points de départ (le décès et la découverte de l’atteinte à la réserve héréditaire).
Une approche littérale du texte amenait certains auteurs à retenir une interprétation alternative. Selon eux, le délai de deux ans s’appliquait dès lors que le réservataire avait eu connaissance de l’atteinte à sa réserve. Cela même si cette connaissance intervenait à l’intérieur du délai de cinq ans à compter du décès.
C’est la lecture inverse qui est retenue par la Cour de cassation dans son arrêt de février 2024 (Cass. civ. 1er , 7 février 2024, n° 22-13.665, FS-B).
Ainsi, l’héritier réservataire dispose d’un délai de cinq ans à compter du décès pour exercer l’action en réduction. S’il n’a pas eu connaissance de l’atteinte à sa réserve pendant ce délai, il dispose alors d’un délai de deux ans à compter de la connaissance de l’atteinte à sa réserve pour agir, sans toutefois pouvoir demander la réduction plus de 10 ans après le décès.
C’est une interprétation conforme à l’esprit du texte. C’est surtout une solution rassurante en pratique.
L’inverse eu conduit à une quasi impraticabilité de l’action en réduction dans certains cas. Celui par exemple d’un legs universel en présence d’héritiers réservataires. L’action en réduction contre le légataire est alors inévitable afin de remplir les héritiers de leurs droits. Le testament est en général très rapidement porté à la connaissance des héritiers. Cela les conduirait à défaut de règlement amiable, à devoir agir judiciairement dans les deux ans.
Or la liquidation d’une indemnité de réduction peut être complexe. La communication entre héritiers est souvent difficile alors même que la saisine de la juridiction suppose obligatoirement de pouvoir justifier la mise en œuvre préalable de diligences amiables…
Bref, un véritable casse-tête en puissance, heureusement évitée grâce à cette récente décision.
Voilà donc un arrêt indispensable et bienvenu qui permettra aux praticiens de mieux renseigner leurs clients et de travailler de manière plus apaisée.
Edition du 01/04/2024. Cabinet de Maître Nicolas Blanchy, Avocat au barreau de la Drôme.
L’article suivant est élaboré à titre informatif en l’état du droit en vigueur au moment de sa rédaction. Il ne comporte aucun engagement à l’actualisation systématique du sujet en fonction des évolutions législatives et ne dispense pas le lecteur d’une consultation plus approfondie des textes de loi ou d’une analyse juridique actualisée par un professionnel du droit.